Olga Mater

Elisabeth Roudinesco, entretien exclusif

  Après sa réaction au libre de Michel Onfray publiée dans Le Moude, puis la réponse du déboulonné sur Mediapart, l´historienne Elisabeth Roudinesco nous accorde un entretien exclusif sur l´état de l´historiographie savante sur Freud, sa vie, son oeuvre, et nous relate l´histoire inédite de la rumeur américaine concernant la prétendue liaison de Freud avec sa belle-soeur, Minna Bernays. Entretien avec Elisabeth Roudinesco sur le libre de Michel Onfray, par Pierre Cormary Pierre Cormany: Mettons-nous, pour commencer, á la place de Michel Onfray. A-t-on le droit de s´attaquer á la psychanalyse et á son fondateur? C´est un fait que de Deleuze-Guattari, en passant par dés que l´on touche á la psychanalyse, celle-ci jette l´anathéme et a tendance á fasciser ses adversaires. ER: Ne confondons pas tout. Je seis l´elève de Gilles Deleuze et de Michel de Certeau et j´ai fait l´éloge de l´Anti-(Edipe á la fois dans mon Histoire de la psychanalyse en France. (rééd.Hachette, collection <La Pochothéque> Paris 2009, avec la bigraphie de Jacques Lacan) et dans mon libre Philosophes dans la tourmente (Fayar 2005) dans lequel je mets en perspectives les dialogues critiques qui se sont établis entre six philosophes: Canguilhem, Sartre, Foucault, Althusser, Deleuze, Derrida. J´ai connu fort quatre d´entre eux et j´ai annexé leurs critiques dudogmatisme psychanalytique dans mon travail d´historienne : c´est cela mon heritage, et non pas le dogmatism ou l´hagiographie, ce qui m´a valu la critique de bon nombre de psychanalystes hagiographes. Et d´ailleurs j´ai publié un dialogue amical avec Jacques Derrida qui s´est toujours défini comme un <ami de la psychanalyse> , un ami <critique> (cf. De quoi demain, Fayard/Galilee, 2001) Rien á voir avec. Le Livre noir de la psychanalyse qui rassemble des historins du courant révisionniste américains ( les <destructeurs de Freud>) et des adeptes de thérapies cognitivo-comportementales. Un ramassis de sottises, d´erreurs et de ragots, fondés sur la haine et l´inculture et dans leuqel sont traités d´hagiographes les véritables historiens. J´ai d´ailleurs publié à ce sujet un libre collectif en 2005: Pourquoi tant de haine? (Navarin). Dans le hors-série du Monde, paru en mars 2010, à l´initiative de Laurent Greisalmer et Eric Fotorino et la collaboration de Thomas Wieder (vendu en kiosque, déjà plus de 50.000 ex) intitulé Freud, la révolution de l´intime, nous avons annexé des textes critiques – de Popper à Sartre- et même un texte de Mikkel Borch-Jacobsen qui est au départ un bon historien mais qui ensuite s´est fourvoyé dans l´anti-freudisme radical.Quand on commence à déraper ou à dériver et à sortir de l´ethique de l´historien pour passer du côté du complotisme et de la croyance en des légendes noires, que l´on invente soi-même travail de recherches et c´est ce qui est arrivé à Mikkel que je connais bien et dont eu debut je partageais les positions. Il a d´ailleurs été lâchépar les élèves de Derrida, il yb a bien longtempus (Jean-Luc Nancy et Philippe Lacoue-Labarthe) quand il a comencé à dériver vers la haine de Freud, cessant d´être objectif et critique. Il e été également lâché puis ignoré aux États-Unis par tous les vrais historiens: Yéruchalmi, Schorske, Nathan Hale, et caetera, sans parler de Paul Robinson qui a fait un libre au vitriol ce courant révisionniste. C´est une vraie dérive N´oubliez pas que dans Le Livre noir de la psychanalyse, on, quitte le domaine de l´histoire et du travail historiographique pour entrer dans l´invention de faits qui n´eexistent pas. Freud est traité d´escroc et de menteur, avide d´argent et incestueux, plagiaire, affabulateur: c´est extravagant et cela empêche tout critique réelle de Freud, de sa doctrine, de son mouvement, telle que je l´ai faite ou que d´autres historiens sérieux, non hagiographes et n´appartenant pasa u courant de l´histoire officialle, ont pu la faire: tel Henri Ellenberger dont j´ai réédité en 1994 l´admirable Histoire de la découverte de l´inconscient (Fayard), avec une longue préface qu´il a eu le temps de lire avant sa mort. Je suis  d´ailleurs responsable de ses archeves, á travers la Société internationale d´histoire de la psychiatrie et de la psychanalyse (SIHPP) que je preside et je peux que son fils, Michel Ellenberger, est horrifié par les brûlots qui prétendent, comme celui de Onfray, annexer l´ceuvre de son père. Dans ce même Livre noir, qu´Onfray prend pour historiographique, les psychanalystes- franҫais notamment- sont accuses de complots et de contaminations divers, les uns parce qu´ils auraient été défavorables á la vente de seringues pour les malades du sida- rumeur inventée de toutes piéces- et les autres parce que, adeptes de Franҫoice Dolto, norte en 1988, ils auraient favorisé après 2000 l´abaissement de l´autorité à l´école en idéalisant l´ <engant roi>. Quant à Jacques Lacan, il est comparé à un goutou de secte, tandis que l´ensemble des associations psychanalytiques sont brocardées pour  avoir été à l´origine d´un véritable goulag freudin : au moins dix-mille morts en France. Aucune source ne vient étayer cette affirmation insensée. Pierre Cormany: Le problé avec le fascism, si j´ose dire, c´est que chacun se renvoie le bébé. Vous reprochez à Onfray d´etablir sa critique anti-freudienne en partie par le biais de penseurs proches de la Nouvelle Droite, Jacques Bénesteau, Pierre Debray-Ritzen pour ne pas les citer, et lui ressort à qui mieux miux la fameuse dédicace de Freud à Mussolini, sa complaisance vis-à-vis Dollfuss, et même sa collaboration a avec l´institut Goring… Alors, le fascime balance plus fort de quel côté? ER: Hélas, je n´y peux rien: Onfeay réhabilite sans aucun doute les théses de l´extrême-droite franҫaise. C´est éscrit en toutes lettres dans son libre. Et lá est un aspect essentiel de cette affaire. Ce n´est pasen m´insultant et en se clamant freudo-marxiste (ce qu´il n´est pas) qu´il réglera ce probléme. Il est d´abord un adepte de Proudhon et pas un marxiste, il l´a dit lui-même. Et comment serait-il freudo.marxiste après ce qu´il écrit sur Freud? Les freudo-marxiste, que j´aime beaucoup et dont j´ai toujours fait l´éloge (cf. Dictionnaire de la psychanalyse, en collaboration avec Michel Plon, Rééd.2006 que Ofray ne cite pas)étaient et freudiens et arxistes et non pas antifreudiens et proudhoniens. La nuance est de taille: les frendo-marxistes  ont été détestés par les freudiens et les marxistes, ce qui montre au passage d´ailleurs que l´histoire de la psychanalyse est une vaste saga faite de passions, d´exclusions, de conflits et de rivalités et non pas une imposture oú dominerait l´axe du bien et du mal. Et non pas un fascisme fabriqué par des milices et inventé par un pervers sexual qui battait sa gouvernante, sodomisait ses animaux ou torturait psychiquement ses filles après avoir abusé de sa belle-soeur. Je n´insulte pas Onfray que je connais. Mais j´ai mis en évidence ce qui est écrit dans ce libre et que tout le monde peut lire: Freu y est assimilé à un fasciente, ami Mussolini et sa theorie est décrite comme une affabulation perverse servant les régimes autoritaires. Maniére d´accuser Freud de ce que sont les fascistes et les nazis.Et cette technique accusatoire, en moiroir inversé, est typique du disecours pamphlétaire de l´extrême-droite qui sévit encore aujourd´hui:on traite de nazi et de fasciste la victime du nazisme et du fascime et l´on invente, contre l´historiographie savante que l´on dénie, un axe du bien et du mal: Freud est une ordure et les antifreudiens des anges libérant l´humanité des légendes roses inventées par des fascistes. Rien à voir avec démarche critique et savante. Notons d´ailleurs qu´Onfray n´a aucune compétence universitaire en matiére de recherche historiographique. Son libre est dénué de noes en bas de page et donc de sources précises, la note bibliographique finale est truffée d´erreurs et insuffisante. Elle ne correspond pas á ce qui écrit dans le libre. Quant à l´index, il est fantaisiste puisqu´il ne renvoie ni à des mons ni à des concepts maias à thèmes idéologiquement orientés, ce qui le rend inutilizable. Je n´ai rien contre ce genre d´essai, il y en a d´excellents mais pourquoi Onfray dit-il qu´il est un vrai historien s´appuyant sur les meilleures sources? Sans doute est-it en partie inconscient de ce qu´il écrit, ce qui rend son libre comique et naïf par moments, puisqu´il croit à la préfiguration , c´est-à-dire à quelque chose comme une destinée occulte: le judaïsme préfigure le fascisme, Jésus Hiroshima, Kant Eichmann, et caetera. Le plus drôle c´est qu´il accuse Freud d´occultisme, c´est-à-dire de ce qu´il fait lui-même. Quant à la réhabilitation de Bénesteau, auteur défendu par le Front National et le Club de l´horloge qui m´a intenté avec se samis un procés qu´ils ont perdu, à la suite d´un article que j´avais publié en 2004 (<Le club de l´hotloge et la psychanalyse: chronique d´un antisémitisme masqué> Les Temps modernes, 627, abril-mai-juin 2004), je me demande ce qu´en pensé Mikkel Borch Jacobsen qui soutient aujourd´hui Onfray, lequel soutient Bénesteau, en souscrivant à la thése selon laquelle il n´y avait pas d´antisémitisme à Vienne durant l´entre-deux-guerres puisque les Juifs occupaient des postes importants dans tous les secteurs de la société. Voilá ce qu´il écrivait à Bénesteau dans une lettre date du 24 décembre 2003 (et don’t il m´a addressee un double pour que je m´en serve) “Je vous saurais gré de cesser de me faire parvenir la littérature du club de l´horloge, officine bien connue de l´extrême-droite franҫaise. En ce qui concerne mes rapports avec Elisabeth Roudinesco, il est de notoriété publique que je suis depuis de longues années en désaccord complet avec ses posititions. Ceci toutefois ne saurait m´inciter à me rallier aux chemises brunes intellectuelles avec lesquelles vous avez jugé bon de vous associer. J´ai le plus grand mépris pour tout ce  que représente le Club de l´horloge et je ressens comme une insulte que vous ayez pu songer un seul instant que je m´associerais à cette provocation” Laissons-les à leurs affaires, moi je ne m´en mêle pas. Notons tout de meme que Michel Onfray se dit le <goy> victim de l´intelligentsia et dde l´université, ce qui est étrange, et qu´il me désigne comme hysterique , stalinienne, et caetera. Et comme défenseur des pedophiles parce que j´ai dit que c´etait ridicule d´acuser Cohn- Bendit comme il le fait, et qu´il a ajouté ceci: <Madame Roudinesco coupe l´humanité en deux: les juifs et les anti-Semites. Comme je n´ai pas l´honneur d´être juif, il faut bien que je sois anti-Semite> C ´est  étrange cette obsession de se designer soi-même en victim d´un propos que le prétendu accusateur n´a pas tenu. Est-ce vraiment un honneur d´être juif? Ce qui laisserait entendre que les non- Juifs ne sont pas honorables. J´ai publié en 2009 Retour sur la question juive, (Albin Michel, 2009), et je puis vous dire que le terme <goy>pour désigner les non-Juifs est aussi insultant que celui par leque les antisémites traitent les Juifs de <sales Juifs>. <Goy> est un terme que je n´emploie jamais et pour cause. Il est injurieux sauf quand i test utilisé avec humour et derision dans les fameuses <histoires juives>. L´humour , c´est ce qui manqué le plus à Michel Onfray qui voit des complots partout, qui d´ailleurs méconnait complétament le grand texte de Freud sur le Witz (mot d´esprit). Si seulement Michel Onfray avait un peu d´humour ! On pourrait transformer toute cette affaire de Freud nazi et pervers sexuel en histoire juive! Je crois que son éditeur devrait lui conseiller de cesser de déraper sur tous les médias comme il le fait en sidérant ses interlocuteurs. Cela pose d´ailleurs le probléme du rôle des médias dans de telles circonstances. Doit-on laisser ainsi quelqu´un dire n´importe quoi, au nom de la totale liberté d´expression? En príncipe oui, et laisse Onfray inventer des faits qui n´existent pas, accuser tout le monde de tout et de n´importe quoi, el m´insulter partout sans intervenir. Mais les journalistes qui  ne cessents d´épingler les hommes politiques au moindre dérapage verbal, devraient peut-être faire de même avec d´autres. J´aime beaucoup les médias, j´ai beaucoup d´amis journalistes, je le suis moi-même dans la presse littéraire, je fais partie d´une génération qui aime la télévision et la radio passionnément et je pensé qu´on devrait, à cette occasion, réfléchir aux conditions dans lesquelles sont menées les débats intellectauls. Jusqu´à présent, c´ètait bien mais là, ҫa commence à déraper sérieusemenr. It y a véritablement une réflexion à mener. Pierre Cormany : Quand on fait le compte des reproches qu´adresse Onfray à l´homme Freud, on se rend compte assez vite que ce sont des reproches de bout de chandelle mais totalment hystérisés par Onfray lui-même : Freud < cocaïnomane> (certes, l´époque découvrait la coca et l´on pensait bien innocemment que celle-ci avait des vertus curatives), <adultère> ( passons sur le fait que l´histoire avec sa belle-soeur soit ou fausse- ce qui est remarquable, c´est que le philosophe hédoniste et anticlerical fasse appel à une critique aussi puritaine et digne des curés qui l´auraient traumaticé dans son enfance), sans doute <pater familias> comme on l´était à l´èpoque, certainement très ambitieux, et bien décidé à réussir sa carrière (ce qu´Onfray appelle de manière assez nauséeuse son <obsession de l´argent>), et parfois, avouons-le, <fanfaron> (quand Freud se compare à Copernic et à Darwin), mais quoi? Tout cela, c´est de <l´intendance à charge> rien de plus… ER: Écoutez, tout cela n´est pas sérieux. L´histoire de la liaison avec la belle-sceur (Minna Bernays) est trés connue. Je vous la reconte à la fin de cet entretien: elle est à mourir de rire. Je vous en donne la primeur à la fin de cet entretien (un extrait), telle que je l´ai énoncée dans mon séminaire de2007 sur la vie privée de Freud. J´ai ensuite passé mes notes à Michéle Perrot, ma directrice de thése, pour sa magnifique Histoire de chambres (Seuil, 2009). Aux États-Unis, l´antifreudisme radical apour épicentre le thése de la perversión sexuelle de Freud, de son adultère, et caetera, thèse typiquement puritaine, alors qu´en France, l´antifreudisme radical ne porte pas sur la vie privée  mais sur la doctrine assimilée à une théorie parasitaire, dépravée…Onfray lie les deux théses, celle des puritains et celle des dénonciateurs de la doctrine parasitaire, étrangère au terroir franҫais, d´oú l´opposition qu´il propose entre le bon terroir regional (le marché d´Argentan) et la vie intellectuelle parisienne dépravée et donc freudienne. En outre, quand on sait que Onfray croit que Freud a fait un enfant à sa belle-soeur puis l´a obligée à avorter en 1923 quand elle avait 58 ans, on se demande si ce livre a été lu par l´éditeur aa bénéficié de correcteurs sérieux Pierre Cormany: Le comique de cette affaire est, pour un philosophe comme lui qui a toujours clamé qu´il était à gauche, et même à l´extrême gauche (et je pensé qu´il est sincére quand il le dit), de s´être toujours retrouvé, et sans doute inconsciemment, du côte du pire. Ainsi de sa fascination pour les < érotiques > dites solaires, païennes, aryennes, ou relevant d´un tantrisme de pacotille, mais qui sont en effect l´apanage de l´extrême-droite athée, celtique, veguement attirée par l´Inde et ses Svastikas. En ce sens, Onfray rejoindrait les occultistes moqués par Philippe Muray dans. Le XIX ème siécle à travers les âges, et qui se distinguaient tous par leur antisémitisme essentialiste. Sans oublier sa récupération par Raël aprés la publication du Traité d´athéologie… ER: Vous avez raison, je l´ai dit autrement dans le texte que j´ai diffuse à tous les medias sans me reférer du tout à Philippe Muray don’t je ne partage pas les opinions. J´ai dit ce que je pense de ce Traité d´athéologie dont le brûlot contre Freud est la suite et dont voice la these: le monothéisme, religion de la pulsion de mort, préfigure le fascisme et le nazisme. Comme Freud est l´hértier du judaïsme, il est fasciste et habité par la pulsión de mort puisqu´il l´a théorisée et il persécute le peuple dont il est l´héritier. Tout cela ne tient guère debout. Je voudrais maintenant changer de terrain: Michel Onfray m´insulte, mais il y a un an il m´a invitee à Argentan pour presenter le film qu´Elisabeth Kapnist a réalisé avec ma collaboration pour France 3 art SRTE 1997: Sigmund Freud. L´invention de la psychanalyse. Il m´a présentée alors comme la plus éminente historienne de la psychanalyse et nous avons donc débattu à propos du film, puisqu´Elisabeth Kapnist est amie avec lui. Pourquoi aujoud´hui refuse-t-il de debattre alors que de toutes parts on le lui propose: à la radio, dans un théâtre parisien et même à l´auditorium du Monde (journal auquel je collabore depuis 14 ans) et qui lui a accordé un droit de réponse, virulent, contre ma personne, après un article dans je critiquais son livre et non pas sa personne. J´ai bien dit qu´une fois le livre publié, ma critique parue et la réponse aussi, j´acceptais ce débat et je l´ai fait savoir au directeur du jounal Eric Fotorino et à ceux qui ont travaillé avec moi pour le hors-série.Pourquoi Michel Onfray refuse-t-il le débat à armes égales qui lui est propose par tout le monde et pourquoi choisit-il, avec l´accord de certains journalists et autres producteurs, les personnes avec lesquelles il entend débattre? Il faudrait savoir: pourquoi Onfray recourt à l´insulte après m´avoir lui-même invitée? J´avais déjà répondu alors à certaines de ses attaques, devant son proper public, puisque déjà à cette époque il commenҫait à dire sur Freud ce qui figure dans son livre. De quoi Michel Onfray a-t-il peur? La maisonnée Freud compta it donc environ 11 personnes: Freud, Minna Bernays, sa belle-soeur, Martha sa femme, six enfants et deux domestiques. Freud avait ainsi recontitué l´univers familial auquel il était attaché. Et c´est au moment oú Minna vit avec lui et oú il n´a plus de relations sexuelles avec  Martha que s´élaborent ses principals theories : L´Cedipe, la théorie nouvelle de la famille, l´abandon de la théorie de la séduction, toutes choses oú sont traits les relations internes à la famille: seduction des enfants par les parents et par les péres, abandon de cette thése, fantasmes, interdit de l´inceste, etc. C´est à partir de cette date aussi que Freud décide chauqe été de ceder à sa passion des voyages aprés en avoir eu la phobie et surtout il divise ses vacances: Martha a horreur des voyages. Freud passe donc en famille une partie des vacances d´été et voyage pendant l´autre partie et Minna est l´un de ses compagnons de voyage. Je dis “compagnon” car vraiment c´est le terme qui convient et non pas “compagne”, comme on le voit dans sa correpondance de voyagen (Notre coeur tend vers le sud, Fayard 2005, que j´ai préfacée). Durant j´été 1898, ils voyagent ensemble dans l´Engadine pour la première fois. Its sont tout excités et écrivent des lettres à Martha. Ils décrivent les difficulties du tourisme à l´époque, comment ils trouvent ou ne trouvent pas de chamber: parfois une chamber pour deux mais le plus souvent deux chambres. Le 10 août 1898, ils trouvents deux chambres et Minna écrit: “ Je peux enfin parade dans ma robe de flanelle et avec tous mes bijoux et bien sûr Sigi me trouve toujours d´une elegance extreme mais je ne sais pas si les autres partagent cet avis”. Le 13, Freud écrit à Martha de Maloja qu´ils ont tous deux trés bonne mine et qu´ils sont descendus dans un modeste établissement suisse face à une forteresse hôtelière. Ils y resteront jusqu´au 15. Lors d´un voyage à Riva, près du lac de Garde, où ils y resteront deux chambres, Freud écrit qu´il est gêné par la présence de clients autrichiens qui peuvent le reconnaître et ce d´autant plus qu´il est accompagné d´une femme qui n´est pas la sienna. Il se sent coupable à l´évidence, mais Minna pas du tout: pas trace de cela dans sa correspondence. A partir de 1922, trois femmes seront presents au foyer de Freud : Minna, Martha et enfin Anna sa dernière fille qui, elle deviendra chef d´école et qu´il en será aussi jaloux qu´il l´avait été de Martha quand elle était courtisée par un jeune homme. Il n´en fallait pas tant pour que Freud fût accusé d´être bigame et d´entretenir une relation sous son propre toit avec sa belle-soeur, avec le consentement tacite de Martha. A mesure que la psychanalyse obtenait du succès et que s´amplifiait la haine envers un Freud regardé comme un obsédé sexual, l´idée s´amplifiait aussi qu´il n´était qu´un hypocrite et un menteur qui, tout en préconisant les interdits, les transgressait. Cette rumeur existait à Vienne du vivant de Freud, mais elle commenҫa à prendre de l´ampleur et surtout l´enjeu d´un grand débat historiographique à partir des années 50, c´est à dire à l´époque oú le mouvement psychanalytique construisait son histoire et au moment oú Jones devenait le biographe de Freud. Plusieurs personnes s´en firent l´écho: Bruno Bettelheim, Carl Gustav Jung, Max Graf. Le premier n ´avait jamais été un proche de Freud mais était lui-même un personnage transgressif et le deuxième avait été le plus proche disciple non juif avant la ruptura avec lui. Jung était connu pour ses liaisons extra-conjugales y compris avec des patientes. It était friand d´anecdotes et connu pour savoir les inventer plus varies que nature. Le 29 août 1953, interrogé par Kurt Eissler pour les archives Freud, il dit “la plus jeune soeur faisait un gros transfert sur Freud et lui n ´y était pas insensible” et Eissler: “Vous voulez dire qu´ils ont eu une liaison” et Jung “Oh une liaison, je ne sais pas jusqu´à quell point mais mon dieu, on sait bien comment c´est n´est-ce pas? En 1957, Jung revient à la charge et confie à son ami John Billinsky un témoignage que celui-ce ne rendra public qu´après la mort de Jung en 1969: Jung évoque sa première visite à Vienne en 1907: “Rapidament, je fis la connaissance de la plus jeune soeur de l´èpouse de Freud. Elle était trés jolie, et non seulement elle savait pas mal de choses sur la psychanalyse mais elle connaissait presque tout des activités de Freud. Quand plus tard je visitai le laboratoire de Freud, sa belle-soeur me demanda si elle pouvait me parler. Elle était trés troublée par ses relations avec Freud et se sentait coupable. Elle m´apprit que Freud était amoureux d´elle et que leurs rapports étaients trés intimes. Cette revelation me choqua et encore aujourd´hui je me souviens trés de l´angoisse que je ressentis alors. Deux ans plus tard, Freud et moi fûmes  invites à la Clark University de Boston. Pendant 7 semaines nous sommes restéss ensemble chaque jour. Dés le début de notre voyage nous avons commence à faire l´analyse de nos rêves réciproques.Freud fit quelques rêves qui le troublaient beaucoup ey qui évoquiaient toujours le meme traiangle: lui, sa femme, sa belle-soeur. Il n´imaginait pas que je puisse savoir quelque chose au sujet de cette relation. Et quand Jung lui demande de faire des associations. Freud réplique: “ Je pourrais vous en dire plus mais je ne permettre de risqier ma reputation”. Examinons ce témoignage. D´abord el est publié par Billinsky après la mort de Junge. Ensuite Jung se contredit par rapport à ce qu´il a affirmé à Eissler. Enfin plusieurs chose sont frappantes : Minna n´était pas jolie, au contraire de sa soeur, et bien qu´au fil des années elles aient fini par se ressemble. Freud n´avait pas de laboratoire mais au bureau. Enfin, on ne voit pas comment Minna aurait pu donner un tel témoignage à un home qu´elle venait de rencontrer. Enfin, s´il vrai pendant la traversée sur le Washington, les trois hommes se racontent leurs rêves at boivent beaucoup au point que Freud a une syncope, s´il est vrai que Freud refuse l´aide de Jung sur l´interprétation de ses rêves, rien ne perment de dire que ceux-ci portaient sur Minna A partir des années 1970, avec l´emergence du courant révisionniste et le nouveau regain de haine de la psychanalyse, la conception d´un Freud pervers, père d´une fille perverse qu´il avait analysée pour la transformer en une perverse à son service fut alors employée à démonter que toutes les théories du mouvements psychanalystiques n´etaient que la traduction d´une monstruosité familiale. Et que si l´on parvenait à démontrer l´existence d´une liasion avec Minna, tout l´edifice freudien s´écroulerait. Mais comment prouver l´improuvable? Rien dans la vie ni dans les correspondances de Freud ne permettait de conclure à l´existence d´une telle laison et rien d´ailleurs ne permettait de dire qu´Anna avait été homosexuelle, si ce n´est sa cohabitation avec Dorothy (les deux femmes ne dormaient pas dans la même chambre, mais cela ne veut rien dire) En 1982, Peter Swales, le plus fou des révisionnistes américains , appuyé par Adolf Grunbaum qui était en quelque sorte sa caution “scientifique” ( physicien et savant, adepte d´un anti-freudisme virulent mais trés écouté aux USA) fit circuler deux articules dactylographiés dont l´un seulement fut publié : Freud, Minna Bernays and the Conquest of the Rome: New Light on the origins of Psychoanalysis” , et “Freud, Minna Bernays and The Imitation of The Christ” Swales prenait appui sur un passage de Psychopathologie de la vie quotidienne, dans lequel Freud raconte l´histoire d´un jeune homme, Juif viennois, qu´il rencontré lors d´un de ses voyages el qui fait un oubli d´un nom en citant un vers de Vigile, celui de Didon qui allend son vengeur: “Exoriare aliquis nostri ex ossibus ultor” ce qui veut dire “Et toi quiconque (aliquis) né de mes ossements, mon vergeur”. Le jeune homme a omis le mot aliquis et Freud lui demande d´associer sur ce nom. Il pensé alors à “liquis” puis au sang qui s´écoule du fameux Saint Janvier chanque année dans l´église napolitaine qu´il avait visitée. Et à partir de lá il extrapole et finit par dire à Freud que ce qu´il reudoute c´est que sa maîtresse lui annonce une fâcheuse nouvelle, un retard de régles, qui signifierait qu´elle est enceinte. S´appuyant donc sur la methode freudienne d´interprétation, don’t il pretend pourtant récuser la scientificité, Swales ented démontrer que cet exemple est une autobiographie masquée-comme d´ailleurs toute l´oeuvre de Freud- et eu´elle signifie que Freud a eu une liaison avec sa bellesoeur, qu´il l´aengrossée puis faite avorter. Cette interprétation ne repose, bien entendu, sur aucun fondement. Voilá donc comment l´historiographie freudienne nord- américaine a sombré dans le délire. Car cette position ahurrisante de Swales a obtenu un franc success aux USA- comme d´ailleurs celles de Jaffrey Moussaïeff Masson- don’t je vous ai parlées- et c´est ainsi que s´est développée une champagne de terreur orchestrée par Swales et Grunbaum, lesquels , le plus sérieusement du monde, voulaient redresser les trorts des historiens dits “pro-freusiens” pour les obliger à réécrire leur textes en function de la nouvelle prevue archivistique. Aprés avoir été longtemps en contact avec  Swales qui me transmettait des documents de la Loc, j´ai donc été “menacée” et insultée dans le presse américaine et brésilienne (désignée comme “ hystérique et putain”). Ilse Grubrich-Simitis a reҫu des laxatifs par la poste et a été terrorisée Sous le nom d´Aliquis, les deux compréres ont donc comencé à menacer les autres historiens, leur intimant l´ordre de faire l´autocritique, puis ils ont presse pour expliquer que Freud n´était qu´un faux savant ayant appliqué à ses patients ses propres fantasmes. Toutes ses théories n´étaient donc, selon eux, que les récits autobiographieques d´un pervers abusant de sa belle-soeur et inventat pour ses patientes de abus qu´il leur faisait avouer, tels les inquisiteurs d´autrefois. Mais, de même que les négationnistes ont obligé les historiens non pas à accepter leurs théses mais à les invalider avec des arguments rationnels, de même les révisionnistes anti-freudiens ont obligé les historiens à prendre au sérieux l´affaire Minna et à en faire un enjeu historiographyque. C´est dans cette perspective que Peter Gay le dernier biographe de Freud a publié un article en 1990 intitulé “le chien qui n´aboyait pas la nuit” Expliquant que ce sont les dénégation de Jones puis les affirmations des autres qui l´on conduit à examiner le probléme, Gay comme d´ailleurs Albreccht Hirschmüller qui l´établit, a examiné la correspondance entiére de Freud et de Minna non encore publiée. Il s´aperҫoit alors que certaines lettres manquent mais qu´aucune numérotation ne permet de dire qu´elles auraient été dissimulées. Et il ajoute que les lettres manquantes sont comme le chien de Sherlock Homes qui n´aboie pas la nuit. Dnas sa biographie il s´était engagé, sous la menace, à faire son autocritique au cas où nouvelle archive serait découverte. C´est bien évidemment ce débat qui a de nouveau emerge récemment, faisant la une de toute la presse américaine et allemande et confortant les thèses d´Aliquis Un sociologue allemand, Franz Maciejewski, a trouvé une nouvelle archive. Il s´agit de la signature de Freud sur le registre de l´hôtel Schweizerheus daté du 13 août 1898 et désigné dans la lettre de Freud (Norte coeur) comme la forteresse hôtelière en face de lequelle il s´esr intallé avec Minna (dans une modeste auberge). Le registre indique de la main de Freud : “Doctor Freud u Frau” Il n´en fallait pas tant pour relancer le débat et les menaces ont recomencé, tendant à prouver que cette fois-ci et ce jour-là Freud aurait passé la nuit dans ce luxueux hotel (et non pas en face)et qu´il aurait fait passer sa belle-soeur pour sa femme. Le plus étonnant, c´est qu´au titre de “preuve” du délit, le New York Times ( 24 décembre 2006) a publié la photographie de la chambre 11 telle qu´elle est aménagée aujourd´hui avec un poste de télévision et deux lits jumeaux. Cette thèse a été reprise par Ursula Gauthier (responsable du fameux numéro sur Le Livre noir de la psychanalyse) dans Le Nouvel Observateur (“Sexe, mensonges et libido”). Je suis sommée en tant qu´historienne de “réviser” mon Dictionnaire et d´adopter la nouvelle vérité enfin révéléen sur les escroqueries et les transgressions de Freud (11-17 janvier). Et j´ai répondu (NO, 15 janvier) en m´interrogeant sur la signification de la publication d´une telle photo ( la chambre d´aujourd´hui) comme prétendue “preuve archivistique”) Et du coup toute la presse mondiale, pressée d´ailleurs par Swales, qui écrit ses menaces à la main, en a déduit que cette fois-ci la liason est attestée et que du coup Freud, étant un menteur, toute sa théorie s´écroule (Sunday Times, 7 janvier 2007 Frankfurter Rundschau, 28 septembre, 2006) Que cette thèse soit irrecevable, c´est évident, mais que l´on puisse tirer de cette archive la moindre preuve fait problème. D´une part, Freud a pu signer ce registre et changer d´hôtel puisqu´il est rete trois nuits à Maloja, et, d´autre part, il a pu parfaitement dormir avec Minna dans cette chambre dont on ne connaît pas l´aménagement ancient, puisque de toute manière, ils dormaient parfois dans la meme chambre quand ils ne parvenaient pas à en trouver deux (comme c´est indiqué dans Norte Coeur ) Le chercheur s´est donc contenté de cette signature pour accréditer la these d´un Freud amant da sa belle-soeur et dissimulateur, alors que le minimum eut été de regarder le registre de l´hôtrl d´rn face- si toutefois il existe encore- et de se renseigner sur la disposition des chambres à l´epoque. Plutôt que d´une intentionnalité dissimulatrice, on peut aussi bien interpreter le “u Frau” comme quelque chose de banal: Freud se sentait coupable qu´on le voie avec sa belle-soeur, ce qui veut dire qu´il pouvait parfaitement la désigner comme sa femme dans les hôtels pour avoir la paix. La dissimulation ne porte pas forcément sur un acte réel don ton ne Saura s´il a eu lieu. On peut aussi interpréter le “u Frau” autrement. Dans le monde germanique de cette époque, et notamment en Suisse alémanique, ce syntagme signifie, dans la tradition hôtelière, que l´on choisit une chambre doublé, quelle que soit la personne avec laquelle on voyage. Comme c´est le cas aujourd´hui encore encore en Italie quand on réserve une chambre “matrimoniale”: cela veut dire “deux personnes” (une chambre doublé) et pas forcément pour un couple marié. Il est donc posible que Freud ait utilisé ce terme avec cette signification. Mais ce qui est certain, c´est que si liason il y a eu, elle ne peut qu´être breve-seulement lors de ce premier voyage, où apparaît une excitation particulière et là il y a un doute- et que toutes à détruire Freud et la psychanalyse. Le plus étonnant, c´est qu´un psychanalyste suisse, Ferrucio Bianchi, habitué de cet hotel où il passe ses vacances d´hiver, alerté par toute cette affaire, semble avoir résolu le “problème de la chambre” : “ J´ai souvent séjourné dans la chambre 23, écrit-il, je la connais donc bien. La chambre 11 où a séjourné Freud, est aujourd´hui la chambre 23. Et cette chambre 23 est une chambre doublé, une sorte de petit appartement, avec une grande pièce et une petite pièce qui communique avec l´autre. Je la connais bien, car nous étions en famille et nos enfants étaient dans la petite chambre. Le gérant me confirme qu´à l´époque, il y avait la même conformation des lieux” Il est donc évident désormais que la thèse de Swales et Maciejewski est entièrement fausse, ce qui n´empêche pas ce dernier d´écrire aujourd´hui un libre entier sur le sujet. Mais j´ai bien l´intention de me rendre sur les lieux un jour… Elisabeth Roudinesco
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